Danse en ligne et bal masqué
Tous autant que nous sommes, jeunes ou personnes d´ ge mûr, adeptes ou non de l´art de la danse, nous sommes tous et toutes entraînés, malgré nous, dans une chorégraphie collective supervisée dès que nous nous approchons d´un commerce pour y faire des achats.
Bien marquées par des lignes rouges ou vertes, parfois cernées par des cordons ou des cônes orange, les figures de déplacement sont explicites et faciles à suivre. Le rythme est scandé par des portiers qui calculent l´affluence afin d´assurer la libre circulation sur la piste et éviter les contacts malencontreux. Les figurants, que je n´ose appeler concurrents, sont invités à garder la mesure que la majorité a désormais intériorisée : deux mètres étant l´ISO internationalement reconnue.
On parle davantage de danse en ligne que de danse sociale. Peu de couples sont invités à y prendre part. En solo, chacun, chacune, attentif à ne pas retarder la cadence, avance à son tour silencieusement, risquant à peine un regard de côté vers la personne croisée par delà le cordon de sécurité. J´imagine une musique en mode mineur, une musique triste et lénifiante.
On parle de danse en ligne mais on pourrait parler aussi de bal masqué. Les visages se parent de plus en plus de tissus multicolores couvrant le nez, la bouche et le menton. La créativité et la fantaisie apportent un peu de lumière dans cette danse presque macabre. Malheureusement on ne peut lire les sourires sur les lèvres mais pour peu qu´on s´y attarde, on pourrait détecter un peu de brillance dans les yeux.
Malgré tout, quel que soit le caractère attristant de cette performance, les gens s´y adonnent avec patience et bonne volonté. Elle est un des nombreux signes de la résilience et de la faculté d´adaptation d´une humanité ayant dans ses gènes l´incessante lutte pour la survie, la certitude d´un printemps après l´hiver, l´espérance que la Vie a toujours le dessus sur la mort.
J´applaudis et je crie « Bravo! »
Yvonne Demers, 9 mai 2020