Guillaume Tremblay et Xavie Jean-Bourgeault: L´heureux naufrage
L´heureux naufrage. L´ère du vide d´une société post-chrétienne
Pour la première rencontre-témoignage de la saison, le 20 septembre 2015, Chemins de vie accueillait un jeune couple fort sympathique : Guillaume Tremblay, cinéaste, et sa conjointe Xavie Jean-Bourgeault, productrice. Ils sont venus présenter leur documentaire « L´heureux naufrage. L´ère du vide d´une société post-chrétienne ».
Après le visionnement du film, des échanges animés se sont engagés entre les cinéastes et l´auditoire. Plusieurs, qui avaient été visiblement touchés par le documentaire, ont tenu à remercier les auteurs et à signaler la qualité et la pertinence de leur travail. On a noté l´habile insertion de séquences de dessins animés de Richard Vallerand, qui rythment le film et apportent un élément visuel significatif. On les a interrogés sur le choix de ce titre paradoxal d´« Heureux naufrage ». Guillaume a répondu que ce titre décrivait son expérience personnelle. Lui a vécu un naufrage qui fut douloureux. Mais ce fut finalement un heureux naufrage parce qu´il lui a permis de se redécouvrir une spiritualité. Et aussi, parce que réaliser ce film a été pour lui l´occasion de faire de nombreuses rencontres, de créer des liens et ainsi, de se sentir moins seul dans son questionnement.
Guillaume est né au Lac-Saint-Jean. Enfant, il est allé à l´église mais s´y ennuyait. Comme beaucoup de québécois, il a abandonné la religion et toute forme de spiritualité. Ce faisant, il a aussi perdu le sens de la vie. D´où un sentiment de vide profond, qu´il retrouve chez beaucoup de jeunes de son ge. Il constate que la plupart ne veulent pas en parler. Lui trouve essentiel de le faire. Là -dessus, il cite le chanteur Stéphane Archambault qu´il considère comme un prophète d´aujourd´hui : « Un moment donné, il faut prendre son vide en main Pis je trouve ça beau de prendre son vide en main. Le Québec a longtemps été chapeauté de très près par la religion. On nous disait ce qui était bien, ce qui était mal, ce qu´il fallait faire, ce qu´il fallait pas faire et du jour au lendemain on a été abandonné. Cet abandon là fait qu´on a quelque part arrêté de chercher C´est-à -dire qu´il y a tellement de vide autour qu´on s´est concentré sur autre chose et on a arrêté de regarder notre vide dans les yeux. Moi, je parle de ce vide là souvent parce que je pense qu´il faut justement prendre son vide en main.»
Pour prendre son vide en main, Guillaume est allé, pendant 2 ans, interviewer une trentaine de personnes au Québec et en France. De ces heures d´entretien, il a gardé 45 minutes pour faire son film. « Nous croyons beaucoup en la pertinence de ce film, dit-il. Il libère, apaise, pousse à la réflexion. Il engage des conversations profondes pour tous les ges . »
Le documentaire se divise en deux parties. La première regroupe cette portion des témoignages qui décrit le vide existentiel causé par l'abandon de la religion et le malaise grave qui s´en suit pour notre société, dont l´absence de sens
Dans la deuxième partie, les personnes interviewées proposent des avenues pour sortir de ce vide. On entend des agnostiques, des croyants, des chrétiens , donc une variété de points de vue qui ont en commun un intérêt pour la spiritualité. On sent qu´avec les valeurs, c´est la ligne privilégiée par Guillaume. On peut aussi constater “ et ce n´est pas une surprise “ qu´il ne valorise pas la piste institutionnelle
Le film se termine par une séquence de dessins animés : un homme à la figure grave, douloureuse, entre lentement dans une église en ruines : portes et fenêtres arrachées, bancs en pièces, plancher encombré de débris C´est une fin dramatique, sombre, d´autant plus que les dessins sont en noir et blanc. Où est l´heureux naufrage ? Où est l´espérance ? J´ai cru la trouver dans la trame sonore : pendant le déroulement du générique, on entend une voix qui chante: « C´est dans l´obscurité que la lumière est belle ».
Guillaume et Xavie souhaitent que leur film pousse à la réflexion, et même à une réflexion collective. Eux-mêmes y contribuent en acceptant volontiers d´aller présenter leur film et d´engager la conversation avec les auditoires. Ils ont sillonné le Québec et vont en Europe cet automne.
Ils fournissent des outils pour aider les personnes et les groupes qui veulent s´engager dans une pareille recherche :
- Le DVD du film de 45 minutes.
- Un livre, Epaves du Cur, qui regroupe les meilleures citations recueillies durant les recherches et les entrevues du documentaire.
- Une trousse comportant :
- le film lui-même,
- 12 capsules thématiques pour discussions en groupe : vide spirituel, spiritualité et transcendance, Jésus et modernité, valeurs et transmission, etc ,
- les entrevues complètes faites avec chacune des 32 personnes rencontrées. Il y a là 7 heures de matériel dont une partie seulement a trouvé place dans le film. Quelques-unes de ces entrevues sont aussi accessibles sur You Tube.
Le film a déjà connu une large diffusion. Puisse-t-il être l´occasion pour plusieurs de prendre leur vide en main et de retrouver le chemin de la spiritualité.
Clément Farly