La relation mère/fille, lieu de vie spirituelle?
Dans ma pratique d´accompagnement d´histoire de vie et plus particulièrement lors de parcours Histoire de vie et trajectoire spirituelle, la relation mère/fille est souvent au cur de récits de femmes, spécialement au mitan de la vie. Elles sont confrontées à la situation d´une mère vieillissante ayant besoin d´aide. à la même étape de vie, des femmes sont placées devant les choix et le devenir de cette jeune femme, autre, qu´est devenue leur fille.
Dans ce contexte, le spirituel prend la voie de questions existentielles. Il s´insère dans les questions et actions de la grand-maman en lien avec ses petits-enfants, dans les choix éducatifs et de vie de sa fille devenue mère. Il s´insère aussi dans la relation avec la fille lorsque la mère éprouve des difficultés dans la relation avec le conjoint de cette dernière. Il prend encore le chemin de questions de valeurs lorsque cette fille, jeune, devient enceinte et doit faire le choix de garder ou non l´enfant à naître. Ces changements sont tout aussi présents quand la fille au mitan de la vie devient aidante pour une mère vieillissante. La relation est alors souvent chargée, du côté de la mère comme de celui de la fille, de tous les désirs de reconnaissance mutuelle, de rattrapage et aussi de réconciliation.
La relation mère/fille est le lieu de bien des projections. à partir de ressemblances physiques ou de tempérament, quelle mère n´a pas fait divers scénarios d´une vie réussie pour sa fille? Ces souhaits prennent la forme d´une vie semblable à la sienne ou encore d´une vie bien différente. Cette fille se voit parfois investie de la mission de réaliser les rêves de sa mère. Et quelle fille n´a pas imaginé son devenir en prenant comme modèle ou contre modèle l´image maternelle?. Dans nos échanges lors de parcours d´Histoires de vie et trajectoire spirituelle, le premier chemin à explorer est celui de la mise à distance pour comprendre les enjeux de cette relation mais aussi celui du l cher-prise pour reconnaître l´autonomie de chacune, mère et fille, dans la manière de « gérer ou vivre » sa vie.
Pour la mère qui a donné la vie à une petite fille et qui l´a vue grandir, il n´est pas toujours facile de reconnaître l´adulte qu´est devenue sa fille, qui n´est plus la petite fille à qui elle manifeste son affection en prenant soin d´elle, en lui prodiguant des conseils. N´est-ce pas aussi ardu pour elle de reconnaître la liberté de cette adulte qu´est devenue la fille dans ses choix majeurs d´existence comme aussi dans les gestes simples du quotidien où la fille adulte ne suit plus les conseils de sa mère!
Ces chemins ne sont-ils que psychologiques ou sont-ils aussi chemins de spiritualité? Sous ces difficultés ne rencontre-t-on pas aussi le nud de relations construit au cur de la vie reçue et de la vie donnée? La Vie, déjà n´est-ce pas toucher au mystère de l´existence de chaque être quand ce mystère prend chair entre une mère et sa fille Dans cette vie reçue et donnée, il y a une expérience de base consciente et inconsciente qui marque en profondeur notre expérience spirituelle. C´est reconnaître que l´on vient d´ailleurs, de ceux et celles qui nous ont précédés, que la vie est reçue. Nous ne sommes pas l´origine de notre existence et cette origine au-delà (et au-dedans!) de notre généalogie, de notre environnement social, historique, biologique demeure porteuse du mystère de l´existence personnelle de chacun. Dans ce mystère, il y a place pour un au-delà de notre existence concrète, il y a place pour l´inconnu, pour cette réalité qui nous dépasse et qui peut prendre nom de Dieu Cette vie reçue et donnée, c´est aussi être invité au cur de nos fibres de chair à reconnaître une dynamique de « don » qui est échange dans la pure gratuité. Donner, ce n´est pas mettre des conditions et exiger que l´autre fasse ce qu´on veut Celui qui reçoit est libre dans le don. Il est responsable de ce qu´il reçoit, dans le plus grand respect de sa liberté. Mais le don reçu est aussi parfois vécu comme une dette Ce qui vient « g ter » ou rendre difficile l´expérience de la gratuité. Et cela peut être vécu par celle qui donne comme par celle qui reçoit! Il peut y avoir aussi une interaction entre la manière selon laquelle est vécu ce modèle de gratuité dans la relation mère/fille et la relation à un Dieu source de vie
Une autre piste de cette relation mère/fille qui peut avoir des incidences sur le spirituel est celle de la transformation de la relation selon les étapes de la vie. Le passage de la mère qui protège et donne les conditions de croissance à l´enfant, à la mère qui peut se réjouir de l´autonomie de la fille, de sa capacité à faire ses choix personnels, à être sujet de sa vie ne se fait pas toujours sans heurt. Pour la fille, il y a un défi à devenir elle-même en gardant, rejetant ou transformant ce qu´elle a reçu, en n´étant pas seulement le reflet du projet de la mère, mais en construisant son propre projet de vie. C´est aussi pour la fille l´occasion de reconnaître sa mère comme une femme, avec ses forces et ses limites, avec les ressources de son histoire, une femme réelle au-delà de la mère idéalisée et rêvée. C´est à ce prix que la relation mère/fille trouve sa voie vers une relation entre deux adultes. Cette transformation de la relation peut-elle aussi aider à transformer l´image de Dieu et l´image de la personne dans cette relation? Le Dieu auquel on croit est-il uniquement le père/mère protecteur rassurant pour l´enfant ou est-il aussi le père/mère se réjouissant de l´adulte responsable, un Dieu qui n´exerce pas une toute-puissance et ne pose pas des conditions pour que les humains que nous sommes se conforment, mais un Dieu qui veut l´humain debout
Bien sûr, cette réflexion pourrait être complétée par la relation mère/fils ou encore père/fille et père/fils. à chacun et chacune de la poursuivre. Ce petit texte est donné dans l´espoir de permettre un échange et un enrichissement par le partage de nos réflexions!
Céline Yelle
Janvier 2011
Merci à ceux et celles qui ont amélioré ce texte par leurs réactions.
Bonjour Céline, je trouve ton texte très intéressant, surtout moi avec toutes mes filles et petites-filles. Je réalise que j’ai eu une mère qui m’a laissée devenir…et j’essaie de me comporter de la même façon avec mes filles. Je trouve cela plus difficile avec la plus jeune, qui est devenue mère à 35 ans, il me semble qu’il y a une grosse différence de générations d’avec ses soeurs. Sa vie est plus différente…
Je me demande aussi quelles sont tes références de lecture à ce sujet?
Au revoir Elizabeth