Une sainte colère!
La colère est souvent considérée comme une émotion négative et, de ce fait, à éviter. Il existe pourtant des expressions positives de la colère, qu'il est possible d'apprendre, de même qu'il est possible et souvent souhaitable d'accueillir la colère des autres. On parle même de « sainte colère ». La colère pourrait donc avoir quelque chose à voir avec la construction d´une vie spirituelle adulte?
Je me suis questionnée sur la « sainteté » possible d´une colère?
Mes colères sont à double tranchant. Elles peuvent avoir deux sources.
Je peux « piquer » une colère parce que je me sens blessée, agressée par autrui dans ce que j´ai d´unique en tant qu´être différencié, avec des convictions qui me sont particulières. J´ai alors l´envie de défendre mon intégrité, considérant l´agression comme une attaque, une injustice envers mon moi le plus profond. Je peux aussi me mettre en rogne contre ce que je trouve une injustice faite à l´endroit de quelqu´un d´autre. J´ai alors l´obligation de me tenir debout, de montrer ma consistance, de faire face à ces agressions en exprimant mes convictions sans toutefois utiliser une contre-violence pour faire entendre mon point de vue. J´ai à me dire que ce vis-à -vis agressant a, lui aussi, le droit d´exprimer ce qu´il est. Un dialogue constructif peut aider à dégonfler cette mésentente et permettre ainsi qu´une colère puisse devenir « sainte » pour les deux parties, en autant qu´elles y consentent et qu´elles soient prêtes à faire des pas vers l´avant.
Je peux aussi être en colère contre l´autre parce qu´il atteint, chez moi, une blessure qui n´a pas encore été cicatrisée. Il vient mettre le doigt sur un aspect de ma personnalité qui me fait rebondir et je suis alors portée à réagir avec colère. Pourtant, en y réfléchissant, elle peut être source d´une remise en question d´un agir particulier et porteuse alors d´une avancée dans l´authenticité de mon « devenir soi ». L´effet, chez l´autre, peut être de même nature. Ne pas recourir à la contre-violence est difficile. Afin de ne pas l´utiliser comme moyen de défense, il faudrait se donner le temps d´en trouver la cause, prendre un recul face aux émotions intérieures ressenties. Ce peut donc être, en bout de ligne, une colère « sainte » de vie!
Qu´en est-il de ma colère contre Dieu? Est-il « saint » de lui exprimer mes récriminations? C´est peut-être ce qu´il attend de moi en toute authenticité et sincérité? Ce dont je suis certaine, c´est qu´il n´utilisera jamais de contre-violence envers moi mais une sollicitude en regard de ce que je suis.
Dieu, dans l´Ancien testament, peut m´apparaître comme très violent mais je peux percevoir cette « colère » comme une prise de conscience de mes idol tries, de mes faiblesses. Jésus, lui aussi, a manifesté de la colère contre le système religieux en place, contre les injustices engendrées mais il a suggéré de tendre l´autre joue. Quelle belle façon de désamorcer la colère de l´autre, ou la mienne, en prenant la place qui me revient de façon pacifique dans mes communications relationnelles parfois conflictuelles!
Cette réflexion fait suite à la lecture du livre de Lytta Basset, intitulé Sainte colère “ Jacob, Job, Jésus, éditions Bayard, 2002. Elle souligne, entre autres, qu´« une sainte colère fait accéder à son noyau dur, à cette semence indestructible de vie : quelque chose résiste tout au fond. ». Je l´ai trouvé très inspirant.
Fait surprenant et réjouissant : j´avais mentionné ce volume à une amie, sans intentions particulières, et j´ai été très agréablement surprise de l´entendre me dire, dernièrement, qu´elle en avait commencé la lecture et que son contenu lui avait permis de trouver les mots justes pour transformer en un « plus-être » une colère que vivait sa fille.
Qu´en est-il de vos colères? Peuvent-elles avoir, somme toute, un aspect positif insoupçonné?
Claire Bisson
Mars 2017